Enquête : Police municipale de Trets, chronique d’un service à reconstruire


Rédigé par Ghislain Robert le Vendredi 20 Juin 2025 à 01:39 - 1 Commentaires

Depuis plusieurs années, la police municipale de cette commune du Pays d’Aix traverse des turbulences à répétition. Si les habitants s’interrogent sur la raréfaction visible des agents dans les rues, l’origine du malaise est bien plus profonde. Entre conflits internes, départs en série, recrutement difficile et défi sécuritaire, état des lieux d’un service municipal à bout de souffle.


Une crise structurelle et humaine

Ce mardi 17 juin 2025, le conseil municipal de Trets a été le théâtre d’échanges tendus autour de la situation de la police municipale.

Deux élus d’opposition ont interrogé le maire, Pascal Chauvin, sur les "soucis récurrents" au sein du service, évoquant une gestion défaillante et un climat délétère. Des questions qui trouvent écho dans les couloirs de la mairie depuis plusieurs années.

Depuis l’affaire des PV dans les lotissements, survenue il y a huit ans, sous la majorité de Jean-Claude Feraud, la police municipale n’a cessé d’alimenter l’actualité locale.
À cette première controverse se sont ajoutées, au fil des années, des affaires internes : accusations de harcèlement, tensions hiérarchiques, malaise au travail, autant de dysfonctionnements régulièrement évoqués en conseil municipal.

Un effondrement progressif des effectifs

À la fin de l’année 2023, la police municipale de Trets comptait encore sept agents titulaires, trois ASVP (agents de surveillance de la voie publique) et une secrétaire. Mais en l’espace de quelques mois, le service s’est littéralement vidé : révocations, mutations, démissions pour raisons familiales ou de carrière.

Certains seraient même partis volontairement, lassés du climat de travail ou attirés par de meilleures offres ailleurs, dans des communes plus attractives financièrement.

Résultat : au 17 juin 2025, il ne reste plus à Trets qu’un seul policier municipal titulaire le chef du service accompagné de quatre nouveaux ASVP et d’une secrétaire. Les anciens agents ont tous quitté le navire. Le maire, tout en reconnaissant les problèmes passés, affirme repartir aujourd’hui "d’une feuille blanche".

Une absence remarquée sur le terrain

Depuis un an, les habitants de Trets constatent une présence policière en net recul, aussi bien dans le centre-ville qu’en périphérie. Les patrouilles sont devenues rares, et la police municipale est souvent absente lors des manifestations publiques, y compris l’été dernier lors des événements festifs.

Une situation qui suscite interrogations et inquiétude : "On ne voit plus de policiers, sauf parfois pour les marchés. Même les ASVP semblent peu visibles", confie un commerçant du boulevard de la République.

Un marché du recrutement ultra-concurrentiel

Pour expliquer cette difficulté à recruter, la municipalité évoque une pénurie nationale de policiers municipaux. De nombreuses villes se livrent une véritable guerre des talents, à coups de primes et de salaires attractifs.

Une compétition sur laquelle Trets ne peut pas rivaliser, faute de moyens budgétaires suffisants. "On propose des contrats, mais les candidats préfèrent aller ailleurs", reconnaît le maire.

Un service à reconstruire, sous surveillance politique

Malgré les promesses de renouveau, la situation reste tendue politiquement. L’opposition municipale accuse la majorité de mauvaise gestion, pointant un manque d’anticipation et de transparence. Le maire, lui, assure que la crise est désormais "derrière nous" et affirme avoir enclenché une reconstruction du service, avec un recrutement en cours et une réorganisation complète.

Mais les faits sont têtus : la commune n’a plus aujourd’hui de véritable police municipale opérationnelle, à l’heure où les besoins en sécurité de proximité sont croissants.

Vigilance et attentes fortes

La police municipale de Trets traverse l’une des périodes les plus critiques de son histoire récente. Face à une population en quête de sécurité et un personnel décimé, la mairie devra démontrer sa capacité à rebâtir un service fiable, crédible et pérenne.

D’ici là, les Tretsois devront composer avec une présence policière minimale, en espérant que la "feuille blanche" ne reste pas lettre morte.

Opposition municipale : l’heure des comptes, face à une majorité sur la défensive

Le 17 juin 2025, à l’occasion du conseil municipal, la situation de la police municipale de Trets a occupé une large partie des débats. Pour la première fois depuis plusieurs mois, la majorité a été contrainte de sortir du silence face à une opposition déterminée à obtenir des réponses.

Deux élus, Stéphanie Fayolle-Sanna et Pascal Speter, ont frontalement interrogé le maire sur ce qu’ils estiment être une "défaillance grave" du service public de sécurité.

Stéphanie Fayolle-Sanna : “Une commune sous-dotée, une gestion critiquable”

Prenant la parole avec fermeté, Stéphanie Fayolle-Sanna a exprimé une inquiétude croissante partagée par de nombreux habitants :
« De nombreux citoyens s’interrogent sur l’absence de policiers municipaux dans notre commune. […] Réduire le nombre de policiers à 2 voire 3 sur une commune qui va compter plus de 12 000 habitants, c’est mettre en danger la sécurité des habitants. »

Elle dénonce une érosion continue des effectifs et une comparaison défavorable avec les communes voisines comme Fuveau, qui dispose aujourd’hui de neuf agents. Elle met également en cause la stratégie budgétaire de la majorité :
« Une bonne gestion de l’argent public aurait permis de recruter des policiers municipaux à la hauteur des besoins et surtout de les pérenniser dans leur fonction. »

Pascal Speter : “Silence, opacité et climat toxique”

De son côté, Pascal Speter a haussé le ton, reprochant au maire une absence de dialogue démocratique :
« Cela fait plusieurs conseils municipaux que je vous interroge sur la situation de la police municipale. À chaque fois : silence radio. Et quand vous finissez par vous exprimer… c’est dans la presse. Pas devant les élus. »

Plus grave encore, il a mis en lumière le climat délétère ayant régné au sein du service, citant des témoignages d’agents évoquant harcèlement moral et comportements déplacés. Il dénonce le maintien prolongé d’un chef de service pourtant visé par une procédure disciplinaire, qui aurait, selon lui, précipité une vague de départs :
« Pourquoi avoir maintenu ce responsable à son poste de longs mois quitte à faire partir un grand nombre d’agents dévoués ? »

Pascal Speter va jusqu’à demander un audit externe sérieux, afin de redonner à la police municipale sa vocation première : protéger les citoyens, non faire fuir ses propres membres.

Le maire répond : “Une situation irrésolvable… désormais close”

Face à cette offensive, Pascal Chauvin s’est montré offensif, tout en livrant, pour la première fois, un diagnostic plus transparent sur la situation passée. Il a reconnu que le service avait été gangréné par des conflits internes depuis plusieurs années :
« Nous avons trouvé en 2020 une situation explosive […] en 5 ans, deux audits et une enquête administrative ont conduit à la révocation de trois agents. […] Toute l’énergie investie ne pouvait résoudre une situation que je définis sincèrement comme irrésolvable. »

Le maire assume être reparti de zéro, évoquant aujourd’hui une équipe reconstruite autour d’un nouveau noyau : un chef de service, quatre ASVP et une secrétaire. Il affirme vouloir recruter deux agents supplémentaires, mais sans précipitation ni compromis sur la qualité :
« Nous ne ferons pas de choix par dépit. […] Je suis ravi de voir mes agents enfin impliqués, de sentir un nouvel élan. »

Mais Pascal Chauvin ne s’est pas limité à l’autocritique. Il a fustigé les « agitateurs de peurs », accusant certains opposants et acteurs des réseaux sociaux de "démagogie" et de postures dogmatiques". Une manière de reprendre la main politiquement, tout en assurant que la commune restait paisible et que la reconstruction du service était bien engagée.

Le silence du premier adjoint Georges Luvera, une absence remarquée

Étrangement, le premier adjoint en charge de la sécurité, pourtant directement concerné par les questions relatives à la police municipale, est resté muet lors de cette séance du 17 juin. Un silence qui n’a pas échappé aux élus d’opposition ni aux observateurs présents.

D’autant plus surprenant que l’élu est lui-même ancien policier, et s’est souvent montré prompt à défendre la profession avec conviction. Ce retrait alimente les interrogations.

Certains y voient une gêne évidente face à une situation devenue difficilement défendable, d'autres évoquent une volonté de laisser le maire gérer seul un dossier politiquement sensible. Une chose est sûre : son absence de réaction contraste avec ses prises de parole passées, où il n’hésitait pas à prendre fait et cause pour le corps des policiers municipaux.

Un contraste d’autant plus marquant que, selon ses propres mots dans un entretien récent, Trets "ne peut plus rivaliser avec les autres communes" pour attirer des recrues, faute de moyens financiers une déclaration que l’opposition n’a pas manqué de lui rappeler.


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