Messages racistes, sexistes, anti-IVG postés sur les réseaux sociaux... Derrière l’écran, l’ombre numérique du député Gérault Verny


Rédigé par Ghislain Robert le Mercredi 10 Décembre 2025 à 13:54 - 0 Commentaires

Pendant plus de douze ans, un compte anonyme a insulté, menacé, humilié. Racisme décomplexé, misogynie crue, propagande anti-avortement : un flot continu de messages postés dans l’ombre, à l’abri d’un pseudonyme.


Douze années de poison numérique

Le député Gérault Verny
Aujourd’hui, ce masque tombe. Selon une enquête explosive de Mediapart, ce compte serait directement lié à un député : Gérault Verny, élu UDR des Bouches-du-Rhône, proche de Éric Ciotti.
 
L’élu dément. Parle d’une « usurpation d’identité numérique ». Mais les indices, eux, racontent une autre histoire.

Tout commence bien avant son entrée à l’Assemblée. Pendant plus d’une décennie, le compte tire à balles réelles. Assa Traoré est tournée en dérision pour ses cheveux. Les musulmans sont sommés de « boycotter la France ». Le slogan suprémaciste #WhiteLivesMatter est repris sans filtre. À la mort de Valéry Giscard d’Estaing, le compte ressuscite la théorie du « grand remplacement », matrice idéologique de plusieurs tueurs de masse.
 
Les femmes ne sont pas épargnées. À l’eurodéputée Aurore Lalucq, qui dénonce un dîner officiel sans femmes, le compte assène : « Arrête de geeker, la machine à laver t’attend. » Quand l’Assemblée vote l’allongement du délai de l’IVG, il publie l’image d’un fœtus de 14 semaines, pour frapper, choquer, culpabiliser.
 
Un militant radical ? Un troll d’extrême droite ? L’enquête démontre qu’il pourrait s’agir bien plus que de cela.

Les traces que l’ombre n’efface pas

Car Internet n’oublie jamais vraiment. Et surtout, il conserve les liens.
 
L’adresse mail utilisée pour créer le compte sert aussi à enregistrer un nom de domaine lié à l’une des entreprises de Gérault Verny. Cette même adresse apparaît dans une base de données professionnelle associée à son numéro de téléphone et à une autre adresse électronique utilisée par le député aujourd’hui.
 
Sur les réseaux, le compte anonyme échange des messages affectueux avec l’épouse de l’élu. Discute avec l’un de ses frères. Suit plusieurs membres de sa famille. Qui le suivent en retour.

Trop de coïncidences pour une simple usurpation

Une carrière politique déjà sous soupçon
 
Élu en 2024 dans une triangulaire tendue face à un candidat socialiste et à la députée sortante Anne-Laurence Petel, Verny s’impose sous l’étiquette UDR. Mais selon StreetPress, sa campagne se serait appuyée sur des militants issus des mouvances néofascistes et identitaires.
 
Une semaine à peine avant la parution de l’enquête de Mediapart, le député est condamné aux Prud’hommes. Puis la tempête éclate.
 
À Nice, le vice-président de la métropole, Pierre-Paul Leoneli, demande publiquement son exclusion du groupe parlementaire. Dans les rangs politiques, l’embarras est palpable. La gêne aussi.

Le silence comme ligne de défense

Contacté, Gérault Verny ne répond pas. Pas plus qu’il ne s’exprime clairement sur les preuves techniques dévoilées. Son entourage se retranche derrière la plainte pour usurpation. Une stratégie de temporisation classique, en attendant que la tempête passe.
 
Mais cette fois, le scandale touche au cœur même de la République : un parlementaire soupçonné d’avoir relayé, sous couvert d’anonymat, une idéologie de haine radicale.

La question qui dérange

Si les faits sont confirmés, ce ne serait plus seulement l’histoire d’un compte anonyme. Ce serait celle d’un double discours : les codes policés de l’hémicycle le jour, la violence idéologique brute derrière un écran la nuit.
 
Et une autre question, plus dérangeante encore, surgit : combien d’autres élus, combien d’autres responsables publics, parlent ainsi dans l’ombre pendant qu’ils votent, en pleine lumière, les lois de la République ?

Le député au capital d’un média d’extrême droite ?

Selon les informations révélées par Mediapart, Gérault Verny serait actionnaire du magazine d’extrême droite Frontières. Un titre connu pour ses unes chocs, ses enquêtes à charge sur l’immigration et ses prises de position radicales contre l’IVG, les personnes migrantes et la gauche.
 
Ce lien capitalistique vient renforcer la cohérence idéologique entre les messages anonymes haineux attribués au député et l’univers politique du média. Frontier adopte une ligne éditoriale et un traitement de l’information qui tendent à promouvoir une idéologie d’extrême droite.
 
À ce stade, Gérault Verny n’a pas répondu aux questions portant spécifiquement sur cette participation financière.


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