Trets : cantine sous tension, la mairie s’adresse aux parents sur fond de bras de fer social


Rédigé par Ghislain Robert le Mercredi 31 Décembre 2025 à 03:23 - 0 Commentaires

À quelques jours de la rentrée des vacances de Noël, la Ville de Trets a adressé un courrier aux parents d’élèves pour expliquer comment sera organisé le service de restauration scolaire, alors qu’un mouvement de grève se poursuit chez une partie des agents municipaux, à l’appel de la CGT Trets/Gardanne. Daté du 30 décembre 2025, ce document ne se contente pas de détailler la logistique des repas : il met aussi en scène la version municipale d’un conflit qui s’enlise.


Un mouvement qui dure depuis mi-décembre

Depuis le 15 décembre, les cantines tretsoises fonctionnent au ralenti. Plusieurs communiqués de la mairie ont déjà prévenu les familles de l’absence de repas chaud et de la mise en place de paniers froids de substitution pour la période du 15 au 19 décembre, le tout sur fond de grève de deux heures par jour sur le temps de cantine.

La presse locale a rapidement pris le relais : L’Affranchi Mag a évoqué une « grève des agents territoriaux » et une « cantine fermée » dans un climat de fin de mandat « sous tension » pour le maire Pascal Chauvin.

Nous avons déjà souligné que le mouvement, entamé avant Noël, pourrait se prolonger au-delà des vacances de noël.

Le conflit social, d’abord perçu comme un épisode ponctuel, s’inscrit donc désormais dans la durée, avec des conséquences directes pour les familles.

Ce que dit la lettre aux parents : repas froids, calendrier et contraintes juridiques

Dans son courrier du 30 décembre, la mairie annonce que, à partir du lundi 5 janvier, un repas froid sera proposé, puis un repas chaud quotidien pour les écoles maternelles à compter du mardi 6, tandis que les élèves des écoles élémentaires recevront un repas froid.

La Ville insiste sur plusieurs points :
  Le mouvement social est mené par la section locale de la CGT ; La grève porte sur deux heures par jour sur le temps de cantine, et est reconductible ; Les règles encadrant le droit de grève empêcheraient, selon la mairie, de recruter des renforts ou de remplacer purement et simplement les grévistes par un prestataire extérieur ; Malgré ces contraintes, la commune dit « prendre ses responsabilités » pour garantir la sécurité alimentaire des enfants, en mobilisant agents non-grévistes et élus volontaires.
 
Le courrier rappelle aussi que les parents restent libres, s’ils le peuvent, de récupérer leurs enfants sur le temps du midi, une solution qui, dans les faits, n’est pas accessible à tous les foyers.

La version municipale : un compromis « maximal » refusé par la CGT

Au-delà de la seule organisation pratique, la lettre constitue aussi une réponse politique au conflit. La municipalité y affirme avoir proposé aux représentants syndicaux de la CGT un « accord de sortie de crise » présenté comme le maximum possible à ce stade, compte tenu :
 
De l’absence de prochain conseil municipal, De la période pré-électorale, Et du cadre réglementaire de la fonction publique territoriale.

Selon la Ville, ce projet incluait plusieurs engagements : maintien de la prime de fin d’année dite « 13ᵉ mois », étude d’une revalorisation indemnitaire, absence de blocage des avancements de carrière et prise en compte des doléances remontées sur les conditions de travail. La mairie affirme que cet accord a été « refusé de façon laconique » par la CGT et les agents grévistes, « sans aucune contre-proposition ».

Le vocabulaire employé insistance sur le caractère « maximal » de la proposition, mise en avant de la période pré-électorale, mention d’un refus sans discussion montre que ce courrier n’est pas seulement informatif : il cherche clairement à convaincre les parents que la collectivité a fait sa part et que la responsabilité du blocage incombe au camp syndical.

Les revendications des agents : une autre lecture du conflit

En face, les agents grévistes, soutenus par la CGT, avancent leurs propres arguments. S’ils ne sont pas détaillés dans les documents municipaux, la CGT évoque des « revendications locales bien précises » et un mouvement structuré autour des conditions d’emploi et d’organisation du travail.

Dans ce climat, la lettre adressée aux parents peut être lue comme un double message : rassurer les familles sur la continuité du service… tout en s’adressant indirectement à l’opinion publique tretsoise en cadrant le récit du conflit.

Des familles prises en étau

Pour de nombreux parents, l’enjeu reste concret : qui garde les enfants à midi, et avec quel repas ? Entre la grève nationale du 18 septembre, qui avait déjà perturbé cantines et garderies, et les mouvements de décembre puis de janvier, les familles ont dû enchaîner les plans B.

Si la Ville rappelle que les parents peuvent venir chercher leurs enfants sur le temps méridien, cette solution favorise de fait les foyers disposant d’horaires flexibles, de la voiture ou de proches disponibles. Dans un contexte où l’État encourage par ailleurs la tarification sociale des cantines et la « cantine à 1 € » pour les communes volontaires, ces ruptures de service posent la question de l’égalité d’accès au repas de midi, en particulier pour les enfants des familles les plus modestes.

Une bataille de récits, en attendant une sortie de crise

Sur le fond, le conflit porte sur des sujets classiques de la fonction publique territoriale : reconnaissance salariale, primes, carrières, conditions de travail dans les écoles. Sur la forme, il se transforme aussi en bataille de communication :
 
La Ville publie communiqués et courrier en insistant sur son « dialogue social apaisé » et ses investissements pour améliorer le quotidien des agents. Les syndicats, relayés par des sites locaux et la presse indépendante, dénoncent un manque d’écoute et une dégradation du climat social, au moment où la fin de mandat et les municipales de 2026 approchent.

Au milieu, les parents d’élèves deviennent, malgré eux, un public à convaincre. Le courrier du 30 décembre, tout en présentant des solutions très concrètes (repas froids, dates, organisation), les invite aussi à se faire une opinion sur qui porte la responsabilité des perturbations.

Reste une inconnue majeure : la durée réelle du mouvement. Les syndicats laissent entendre qu’il pourrait se prolonger au-delà du mois de janvier, tandis que la Ville assure rester « pleinement disponible » pour poursuivre le dialogue.

En attendant un éventuel accord, les enfants mangeront donc froid pour certains, chaud pour d’autres, et les parents continueront de jongler entre horaires de travail, solutions de garde et incertitudes. La seule certitude, pour l’instant, est que la question de la cantine scolaire est devenue, à Trets, un marqueur politique autant qu’un service du quotidien.

Rappel : l’ombre de l’affaire de 2018

Difficile, pour beaucoup d’habitants, de ne pas faire le parallèle avec l’affaire de 2018, lorsque la polémique des repas réduits au pain et au fromage pour les enfants de familles considérées comme « mauvais payeurs » avait largement contribué à fragiliser la majorité de Jean-Claude Féraud.
 
À l’époque déjà, la CGT locale s’était fortement mobilisée et certains observateurs estimaient que ce dossier avait participé à la chute progressive du « clan Féraud ».
 
Sept ans plus tard, les faits sont sans doute moins spectaculaires, mais ils ravivent les tensions : les mêmes délégués syndicaux ou presque semblent aujourd’hui encore au premier plan. De quoi interroger certains acteurs locaux : la scène sociale et politique tretsoise est-elle en train de rejouer la même partition ?


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