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Quand les médias cessent d’informer pour embrigader : Bolloré ou le naufrage du journalisme


Rédigé par Ghislain Robert le Samedi 21 Juin 2025 à 00:16 - 2 Commentaires

Il y a des silences qui en disent long. Et des lignes éditoriales qui ne sont plus des choix, mais des soumissions.


Depuis plusieurs années, un empire médiatique se bâtit sous nos yeux en France, à l’ombre de la fortune et de la stratégie de Vincent Bolloré.

Il ne s'agit pas d’information. Il s’agit de pouvoir. Et plus encore : de contrôle idéologique.

Le Journal du Dimanche, CNews, Europe 1, Paris Match : ces titres ont basculé, les uns après les autres, dans une forme de journalisme militant, aligné sur les obsessions de l’extrême droite.

Leurs éditorialistes ne débattent plus : ils récitent. Ils ne confrontent plus les faits : ils les adaptent. Leur rôle n’est plus d’éclairer, mais de convaincre.

D’imposer un récit. Un récit de déclin, de peur, d’identité assiégée. Un récit à sens unique.

Censures internes : les faits sont là

Les preuves de cette dérive sont nombreuses. Il y a d’abord ce témoignage glaçant d’un ancien journaliste du JDD, expliquant comment, dès l’arrivée de Geoffroy Lejeune, des sujets « trop critiques envers la droite » ont été « immédiatement retoqués ».

Des articles sur le climat, les violences policières ou la précarité sociale ont été « invisibilisés ». Un papier sur les difficultés d’une école dans un quartier populaire ? Jugé « trop compassionnel ». Une enquête sur les lobbies conservateurs européens ? Supprimée sans explication.

Chez CNews, plusieurs anciens journalistes confient sous anonymat avoir été « désinvisibilisés » de l’antenne après avoir exprimé des désaccords avec la ligne imposée. Une chroniqueuse, spécialiste de la santé, explique avoir été évincée après une intervention où elle critiquait la politique sanitaire en Hongrie. Le message était clair : « on ne critique pas les alliés idéologiques ».
Sur Europe 1, autre média passé sous contrôle Bolloré, une vague de départs massive a suivi l’arrivée de figures issues de CNews. Des journalistes historiques comme Patrick Cohen, Sonia Devillers ou Nicolas Demorand ont quitté la station en dénonçant la perte d’indépendance et la montée d’une « pensée unique réactionnaire ».

Et Valeurs actuelles ? Proche sans être intégré

Il est essentiel de clarifier que Valeurs actuelles n’appartient pas à Vincent Bolloré. Ce média est la propriété du groupe Valmonde, détenu par l’homme d’affaires franco-libanais Iskandar Safa.

Toutefois, sa ligne éditoriale, très marquée à droite et souvent alignée sur les positions d’Éric Zemmour ou Marion Maréchal, s’inscrit dans la même dynamique idéologique que les médias de l’empire Bolloré. En cela, Valeurs actuelles contribue puissamment à la normalisation d’un discours identitaire, sécuritaire et réactionnaire.

Bolloré n’achète pas des médias. Il achète du silence et du discours.

Vincent Bolloré ne cache plus rien. Il veut des médias qui défendent « les vraies valeurs », qui dénoncent « l’idéologie du progrès », qui soutiennent « l’ordre et l’identité ».

Il ne veut pas d’une presse pluraliste. Il veut une machine de guerre. Et il l’a construite.

Ce que ses médias ont en commun, ce n’est pas un simple tropisme conservateur. C’est une stratégie de radicalisation douce : dénigrer les journalistes dits « de gauche », décrédibiliser la science, minorer les violences d’extrême droite, donner la parole à des figures ultra-conservatrices jusqu’à saturation.

À force, l’exception devient la norme. Le narratif devient vérité.

Frontières : le média de la rupture totale

Dernier-né de la galaxie médiatique réactionnaire, Frontières pousse la radicalité à son paroxysme. Ce média ne se revendique ni de gauche, ni même de droite républicaine : il les combat toutes les deux. Sa ligne éditoriale est résolument identitaire, ultra-conservatrice et hostile à l’ensemble des institutions démocratiques.

Ici, pas de journalisme d’enquête ni de recherche de vérité : Frontières diffuse une idéologie brutale, où l’immigration est perçue comme une menace, la gauche comme un danger civilisationnel, et la droite modérée comme une trahison. Le ton est frontal, guerrier, quasi insurrectionnel.

Véritable laboratoire de la guerre culturelle, Frontières cherche moins à informer qu’à mobiliser, à radicaliser ses lecteurs contre ce qu’il appelle le "système". Il prépare ainsi les esprits à une vision autoritaire de la politique, où l’identité prime sur les droits, et la force sur le débat.

Une société en danger d’intoxication médiatique

Ce que nous vivons, ce n’est pas une crise médiatique. C’est une crise démocratique. Un pluralisme amputé. Une information minée. Un citoyen exposé en permanence à une version biaisée du réel. Des faits minorés, des peurs maximisées. Une république où une partie de la presse ne cherche plus à informer mais à formater.

Dans un rapport de 2024, l’ONG Reporters sans frontières alertait : « Une partie croissante du paysage médiatique français ne répond plus à des exigences déontologiques minimales. La confusion entre information et propagande s’installe. »

La fin du pluralisme, le règne du récit imposé

Le journalisme a pour mission de garantir la diversité des points de vue, de faire vivre le débat démocratique. Mais aujourd’hui, certains médias ont abandonné cette mission. Ils ne cherchent plus à informer, mais à imposer une vision du monde, toujours la même : anxiogène, identitaire, clivante.

Plateaux d’experts uniformes, faits divers montés en épingle, débat réduit à l’opposition entre « eux » et « nous » : le pluralisme cède la place à une propagande d’opinion. Ces médias ne reflètent plus la réalité. Ils la construisent, en fonction d’une idéologie.

Ce glissement est grave. Car sans pluralisme, il n’y a plus d’opinion libre. Juste une population exposée à un récit unique — et donc, une démocratie en danger.

Conclusion : la presse ne doit pas devenir une arme pour diviser

Le journalisme a pour rôle d’éclairer le citoyen, pas de l’embrigader. Or, une partie des médias français a franchi la ligne. Poussés par des intérêts financiers, stratégiques et idéologiques, certains organes de presse se transforment en instruments de combat.

Derrière cette dérive, un nom revient toujours : Vincent Bolloré.

Mais qu’ils soient possédés par lui ou simplement idéologiquement alignés, tous ces médias participent à la même entreprise : affaiblir l’esprit critique, polariser l’opinion, réduire l’espace du débat démocratique.

Le combat à mener n’est pas seulement contre l’extrême droite politique. Il est aussi contre l’extrême droite médiatique.


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1.Posté par Marine le 21/06/2025 12:03
Encore un article écrit par gauchiste !!!

2.Posté par Jean.F le 21/06/2025 12:19
Je trouve inquiétant qu'aujourd'hui les médias font plus de journalisme que de l'information au détriment de manipuler cette information. Bolloré est passé du côté obscur depuis quelques années.

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