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Trois casquettes pour un maire : enquête sur un cumul qui étouffe la démocratie locale


Rédigé par Ghislain Robert le Dimanche 17 Août 2025 à 07:15 - 0 Commentaires

À Cabriès-Calas, Fuveau et Gardanne, les maires cumulent les fonctions locales : maire, conseiller métropolitain et conseiller départemental avec des délégations importantes à la métropole et départementales.


Le cas Cabriès-Calas, Fuveau et Gardanne : 3 communes, 1 même schéma

Officiellement, ils incarnent la puissance politique de leurs territoires. Dans les faits, ce cumul interroge : comment exercer trois mandats à temps plein quand une journée n’a que 24 heures ? Et qui gouverne réellement les communes ?
 
À Cabriès, Amapola Ventron arbore trois titres prestigieux : maire, vice-présidente de la Métropole Aix-Marseille et conseillère départementale. À Fuveau et Gardanne, Béatrice Bonfillon Chiavassa, et Hervé Granier,  combine les mêmes fonctions.
 
3 élus, 3 communes, mais 1 mécanique identique : la multiplication des mandats éloigne les maires de leur rôle premier, celui de gérer les affaires locales au quotidien.

En pratique, ces élus passent une grande partie de leur temps dans les hémicycles, les commissions et les réunions métropolitaines ou départementales. La gestion municipale est déléguée à l’administration, avec à sa tête le directeur général des services (DGS), pivot discret mais décisif.

Le rôle central des DGS

Dans les discours officiels, le maire reste « l’autorité locale », celui qui décide et incarne. Mais dans la réalité des communes, le poids du cumul déporte l’essentiel des responsabilités sur les DGS. Ce sont eux qui instruisent les dossiers, arbitrent les urgences, coordonnent les services municipaux.

À Cabriès, Fuveau comme à Gardanne, les élus signent les arrêtés et valident les grandes orientations, mais la gestion quotidienne des affaires est dans les mains des directeurs des services généraux. Leur rôle n’a cessé de s’amplifier à mesure que les maires se dispersaient entre plusieurs assemblées.

Une question de disponibilité, pas seulement de pouvoir

La question n’est pas tant de savoir si les maires ont la volonté de bien faire, mais s’ils en ont matériellement le temps. Une fonction de maire, surtout dans une commune de plusieurs milliers d’habitants, est déjà chronophage : urbanisme, sécurité, écoles, budgets, relation avec les habitants.

Y ajouter les responsabilités métropolitaines et départementales crée un cumul de réunions, de dossiers et de décisions qui dépasse ce qu’un seul individu peut absorber.

Ces cumuls brouillent aussi la lisibilité démocratique. Les citoyens pensent que leur maire détient le pouvoir. En réalité, il ou elle est parfois plus présent à la métropole qu’à l’hôtel de ville. Le centre de gravité se déplace, et avec lui la chaîne des responsabilités.

Un phénomène qui dépasse trois communes

Si Cabriès, Fuveau et Gardanne illustrent ce phénomène, elles ne sont pas seules. Dans de nombreuses communes de la Métropole Aix-Marseille, les maires cumulent deux ou trois mandats.

La logique est institutionnelle : la métropole et le département concentrent des pouvoirs budgétaires et stratégiques considérables, et les maires cherchent à y siéger pour défendre leur commune. Mais ce cumul crée un paradoxe : plus un maire est présent dans les grandes instances, moins il l’est dans sa ville.

Une démocratie sous tension

Le cumul des mandats locaux interroge sur l’efficacité démocratique. Les maires de Cabriès, Fuveau et Gardanne incarnent une réalité : on ne peut être à la fois chef de commune, acteur métropolitain et décideur départemental sans s’appuyer massivement sur l’administration. Le résultat est un système à deux vitesses : un pouvoir politique visible, concentré dans la figure du maire, et un pouvoir administratif réel, assuré par les DGS.

Analyse politique de la rédaction

Le cumul des mandats locaux est souvent présenté comme une nécessité : pour peser dans les grandes instances (métropole, département), un maire doit siéger partout. Mais derrière cet argument de représentation se cachent plusieurs enjeux lourds.

1. Une démocratie locale affaiblie
Plus un maire cumule de casquettes, moins il est disponible pour sa propre ville. Les habitants votent pour un élu qui, en pratique, passe une part croissante de son temps dans d’autres assemblées. Le lien direct entre électeurs et élu local se distend, affaiblissant la légitimité municipale.

2. La montée en puissance des techniciens
Dans ce vide, l’administration municipale prend le relais. Les directeurs généraux des services (DGS) deviennent des acteurs politiques de fait, sans avoir jamais été élus. Ce glissement interroge : la démocratie représentative repose-t-elle encore sur les élus, ou bien sur les cadres techniques qui assurent la continuité ?

3. La métropole comme aspirateur politique
La création de la Métropole Aix-Marseille a accentué ce phénomène. Les maires y siègent, mais au prix d’une dispersion de leur temps et de leurs priorités. La métropole concentre budgets et décisions stratégiques, transformant les maires en représentants régionaux plus qu’en gestionnaires locaux. Résultat : les communes deviennent de simples relais administratifs, quand elles devraient être le cœur battant de la démocratie de proximité.

Conclusion
Le cumul des mandats locaux n’est pas seulement un problème d’agenda personnel. C’est une question de clarté démocratique. Les habitants croient voter pour un maire « chef de village », mais se retrouvent avec un élu éclaté entre plusieurs fonctions, pendant que le véritable pouvoir opérationnel glisse entre les mains des techniciens. À terme, cette mécanique risque de creuser encore un peu plus le fossé entre citoyens et institutions locales.

Le chiffre qui dit tout

37 heures.
C’est le temps moyen qu’un maire consacre chaque semaine aux réunions métropolitaines et départementales, selon les estimations d’élus locaux interrogés. À cela s’ajoutent les obligations municipales, évaluées elles aussi à 40 heures minimum.

Résultat : l’équation est impossible un maire à triple casquette devrait travailler 77 heures par semaine pour tout assumer.

En pratique, une grande partie de ces responsabilités glisse donc vers l’administration communale. Les citoyens, eux, continuent d’imaginer leur maire disponible… alors que son agenda ressemble plus à celui d’un ministre qu’à celui d’un élu de proximité.

Bilan
  • 77 heures nécessaires pour « tout faire » (quasi impossible).
  • Dans les faits, les maires passent plus de temps hors de leur commune que dans leur mairie.
  • Le DGS devient l’ombre indispensable, tenant les rênes du quotidien pendant que l’élu court de réunion en réunion.

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