Enquête sur un mode de vie qui séduit de plus en plus les Français.
Portes arrière ouvertes sur la Sainte-Victoire, un couple sirote un café face au lever du soleil. “C’est notre maison, notre voiture et notre liberté, tout en un”, sourit Manon, 32 ans, éducatrice spécialisée en congé sabbatique. Avec son compagnon Pierre, elle sillonne les routes de France depuis six mois. Et ils sont loin d’être les seuls.
Le voyage en vans longtemps marginal et réservé à une poignée de baroudeurs connaît aujourd’hui un véritable engouement, notamment dans le Pays d’Aix.
Sur les parkings discrets, les aires naturelles et même au bord des champs, les “vanlifers” s’installent, souvent quelques jours seulement, en quête de nature et de déconnexion.
Un phénomène amplifié par la crise sanitaire de 2020, qui a redéfini les aspirations en matière de voyage et de travail.
Une tendance en forte croissance
“Nos clients ne sont plus seulement des jeunes globe-trotteurs”, observe Johan Remy, fondateur de l’atelier. “On a de tout : familles recomposées, retraités, cadre, télétravailleurs. Il y a une vraie soif de mobilité et d’autonomie.”
Le coût d’un aménagement varie entre 5 000 et 30 000 euros, un investissement que certains financent via la location du van lorsqu’ils ne l’utilisent pas.
Une philosophie de vie : ralentir, se reconnecter, s’adapter
“En van, on vit dehors. On redécouvre les bruits de la nature, le silence aussi. On fait attention à chaque goutte d’eau, à chaque ressource. C’est une école de sobriété”, confie Marion, 41 ans, ancienne cadre reconvertie en artisanat itinérant.
Pour beaucoup, cette vie nomade offre une rupture bienvenue avec le rythme effréné de la ville, les agendas saturés, l’hyperconnexion.
Ce rapport direct à l’environnement, au fil des saisons et des paysages, réveille une conscience écologique plus forte. Les vanlifers les plus engagés privilégient les circuits courts, le solaire, les toilettes sèches, et fuient les zones bétonnées pour privilégier les lieux naturels parfois au risque d’entrer en conflit avec les règles locales.
Mais cette proximité avec la nature implique aussi des responsabilités. “On ne peut pas vivre librement sur un territoire sans respecter ses équilibres”, rappelle Antoine S., garde forestier dans le secteur de Jouques. “La nature n’est pas un décor Instagram, c’est un écosystème fragile.”
La vanlife n’est donc pas un simple loisir d’évasion. Elle devient, pour certains, un engagement, un mode de vie alternatif et plus lent, où chaque jour est une improvisation entre nécessité et contemplation.
Liberté ou illusion ?
Mais cette liberté a ses limites. “La vanlife n’est pas toujours aussi idyllique qu’elle en a l’air sur Instagram”, nuance Mélanie, 27 ans, qui a abandonné cette vie nomade après un an. “Trouver des spots tranquilles, faire face aux conditions météo, à l’isolement, c’est un quotidien exigeant.”
Les tensions avec certains riverains se multiplient également, surtout en période estivale. À Rousset ou à Puyloubier, des arrêtés municipaux ont restreint le stationnement nocturne après des plaintes pour nuisances.
Le Parc Naturel Régional de la Sainte-Victoire, régulièrement sollicité, rappelle les règles : “Nous encourageons un tourisme respectueux de l’environnement. Le bivouac est interdit, et les déchets laissés sur les parkings posent un vrai problème”, alerte une chargée de mission au parc.
Ce mode de vie demande une forte capacitée d’adaptation, une certaine résilience mentale et une tolérance aux imprévus. Il ne s’adresse pas à tous les profils.
Pour certains nouveaux passionnés de vans, il est parfois difficile de réaliser que cette liberté tant désirée s’accompagne également de certaines contraintes.
Un nouveau rapport au territoire
Certains vont plus loin : “On vit à l’année dans notre van, stationné sur un terrain agricole prêté par un ami. C’est une autre forme d’habitat léger, plus proche de la terre”, explique Hugo, menuisier itinérant.
Vivre ou voyager en van, c’est choisir un autre rythme, un autre regard sur le monde. C’est une parenthèse de liberté, parfois un vrai tournant de vie, souvent une prise de conscience. Tous ne s’y reconnaîtront pas, et c’est normal : cette aventure demande souplesse, simplicité et capacité à vivre avec peu. Mais pour ceux qui s’y engagent, même un temps, le van devient bien plus qu’un véhicule, il devient un outil d’émancipation, un moyen de renouer avec la nature, et souvent avec soi-même.
L’avis de la rédaction
Ceux qui choisissent de vivre ou voyager en van ne fuient pas le monde : ils cherchent à le retrouver autrement, en renouant avec l’essentiel, avec la nature, avec les territoires oubliés. En cela, ils expérimentent un futur possible plus sobre, plus mobile, plus humain.
Oui, cette vie exige des concessions. Mais elle propose en retour quelque chose de rare : une autonomie choisie, une capacité à s’adapter, à sortir du cadre. La rédaction salue cette démarche, non comme une solution miracle, mais comme un signal fort d’un monde en transformation.
Et si, finalement, prendre la route était une manière de retrouver le sens ?