Des ambitions à géométrie variable
À première vue, le Rassemblement national a de l’appétit. Depuis les européennes de 2024, où il a dépassé les 35 % dans plusieurs communes du pays d’Aix, le parti de Marine Le Pen se voit pousser des ailes municipales.
Mais derrière les grandes déclarations, les certitudes s’effritent.
Mais derrière les grandes déclarations, les certitudes s’effritent.
« Fin janvier, nous aurons une idée très claire », promet le délégué départemental Franck Allisio, comme pour conjurer la lenteur des manœuvres internes.
Jean-Louis Geiger à Aix, Bruno Priouret à Gardanne : deux têtes d’affiche, et puis… un grand vide.
Dans les autres communes, les candidatures tardent, s’annulent où se cherchent. À Bouc-Bel-Air, la présentation d’un candidat a même été annulée « pour raisons personnelles ».
Le parti à la flamme se dit patient. En réalité, il semble surtout chercher des têtes d’affiche crédibles, capables de rassurer un électorat qu’il veut convertir en force municipale.
" On ne veut pas de candidatures fantaisistes. "
Le mot d’ordre est désormais celui de la "qualité" plutôt que de la "quantité".
Derrière cette formule rugueuse se cache une ligne de conduite nouvelle : éviter les candidatures fantaisistes ou les parachutages de militants sans ancrage local, qui ont longtemps nui à la crédibilité du parti dans les scrutins municipaux.
À Lambesc, Charleval ou Saint-Cannat, où plusieurs maires historiques passent la main, le RN observe, jauge, calcule. Quitte à soutenir des élus sortants plutôt que d’envoyer ses propres troupes au front.
À Lambesc, Romain Baubry ne cache pas son soutien à la future maire Claire Blanc, issue de la majorité sortante : « Elle fait du bon travail, on ne va pas venir les concurrencer », dit-il, dans un étonnant exercice de realpolitik.
« On ne veut pas de candidatures fantaisistes », tranche Romain Baubry, député RN de la 15e circonscription des Bouches-du-Rhône.
Derrière cette formule rugueuse se cache une ligne de conduite nouvelle : éviter les candidatures fantaisistes ou les parachutages de militants sans ancrage local, qui ont longtemps nui à la crédibilité du parti dans les scrutins municipaux.
À Lambesc, Charleval ou Saint-Cannat, où plusieurs maires historiques passent la main, le RN observe, jauge, calcule. Quitte à soutenir des élus sortants plutôt que d’envoyer ses propres troupes au front.
À Lambesc, Romain Baubry ne cache pas son soutien à la future maire Claire Blanc, issue de la majorité sortante : « Elle fait du bon travail, on ne va pas venir les concurrencer », dit-il, dans un étonnant exercice de realpolitik.
La mue d’un parti en quête de respectabilité

Cette stratégie d’insertion douce dans le paysage municipal traduit une transformation plus profonde du RN. Finie, la logique de conquête tous azimuts, place à la consolidation. Le parti cherche moins à "prendre" des mairies qu’à devenir fréquentable dans les alliances locales.
En pondérant désormais les scores européens avec ceux de Marine Le Pen à la présidentielle, le RN veut démontrer qu’il ne s’agit plus d’un vote de colère, mais d’un ancrage durable. « Marine a fait plus de 50 % à Trets, Jouques ou Mimet », rappelle Allisio, comme un argument de légitimité électorale.
Mais la mécanique s’enraye vite : entre peur des dérapages, manque de cadres formés et absence de culture municipale, la dynamique nationale se heurte au mur des réalités locales. Le pays d’Aix reste une terre de droite traditionnelle, où les électeurs RN, nombreux, n’ont pas encore trouvé leurs élus.
En pondérant désormais les scores européens avec ceux de Marine Le Pen à la présidentielle, le RN veut démontrer qu’il ne s’agit plus d’un vote de colère, mais d’un ancrage durable. « Marine a fait plus de 50 % à Trets, Jouques ou Mimet », rappelle Allisio, comme un argument de légitimité électorale.
Mais la mécanique s’enraye vite : entre peur des dérapages, manque de cadres formés et absence de culture municipale, la dynamique nationale se heurte au mur des réalités locales. Le pays d’Aix reste une terre de droite traditionnelle, où les électeurs RN, nombreux, n’ont pas encore trouvé leurs élus.
Le dilemme des alliances à droite
C’est là que le bât blesse. En 2020 déjà, des rapprochements discrets entre listes divers droite et militants RN avaient vu le jour dans plusieurs communes du pays d’Aix. Des accords tacites, des échanges de bons procédés, parfois des colistiers communs.
En 2026, le parti lepéniste espère transformer ces connivences en alliances assumées. Mais rares sont les maires qui osent franchir le pas.
« On a demandé si certains souhaitaient s’associer au RN, on a vu que ce n’était pas le cas », admet Allisio. Le cordon sanitaire, moins étanche qu’avant, reste bien réel dès qu’il s’agit de partager une liste.
Résultat : le RN se retrouve souvent dans une posture paradoxale fort dans les urnes, faible dans les conseils municipaux. En 2020, seules trois listes RN avaient été déposées sur la circonscription de Baubry. En 2026, le député espère doubler ce chiffre. Un progrès, certes, mais à l’échelle d’un territoire où le parti revendique des scores supérieurs à 40 %, la progression paraît timide.
En 2026, le parti lepéniste espère transformer ces connivences en alliances assumées. Mais rares sont les maires qui osent franchir le pas.
« On a demandé si certains souhaitaient s’associer au RN, on a vu que ce n’était pas le cas », admet Allisio. Le cordon sanitaire, moins étanche qu’avant, reste bien réel dès qu’il s’agit de partager une liste.
Résultat : le RN se retrouve souvent dans une posture paradoxale fort dans les urnes, faible dans les conseils municipaux. En 2020, seules trois listes RN avaient été déposées sur la circonscription de Baubry. En 2026, le député espère doubler ce chiffre. Un progrès, certes, mais à l’échelle d’un territoire où le parti revendique des scores supérieurs à 40 %, la progression paraît timide.
Analyse politique : le RN, forteresse nationale, talon d’Achille local
Derrière la vitrine triomphale des européennes, le RN reste prisonnier de ses failles structurelles. Il dispose d’un électorat stable, mais sans encadrement. Ses élus locaux manquent d’expérience, ses réseaux associatifs sont quasi inexistants, et sa culture de gestion municipale demeure balbutiante.
En pays d’Aix, ce décalage entre force électorale et faiblesse organisationnelle est flagrant. Le parti tente de compenser par un discours de sérieux et de sélection. Mais cette prudence ressemble parfois à une résignation.
Car la réalité est plus subtile qu’il n’y paraît : en 2020 déjà, plusieurs communes du pays d’Aix ont discrètement ouvert leurs listes à des militants ou sympathisants du RN, dissimulés derrière des étiquettes d’« intérêt communal ». Une manière habile d’éviter le stigmate partisan tout en intégrant, de fait, une partie de l’électorat lepéniste.
À Mimet, Trets ou encore Peyrolles, certains colistiers revendiquaient en privé leur proximité avec le RN, pendant que les maires sortants s’en tenaient à une neutralité de façade. Ce jeu de masques, entre rejet public et rapprochement tacite, a permis au RN de s’infiltrer dans le tissu local sans en assumer la visibilité politique.
Ce phénomène éclaire la stratégie actuelle : moins conquérante, plus insinuante.
Le RN sait que le rapport de force se joue désormais à bas bruit dans les réseaux, les comités, les alliances d’occasion. Conquérir une mairie n’est plus une fin en soi : il s’agit de devenir incontournable, même sans logo.
Le RN a compris que pour durer, il faut moins agiter le drapeau que planter les graines.
En pays d’Aix, ce décalage entre force électorale et faiblesse organisationnelle est flagrant. Le parti tente de compenser par un discours de sérieux et de sélection. Mais cette prudence ressemble parfois à une résignation.
Car la réalité est plus subtile qu’il n’y paraît : en 2020 déjà, plusieurs communes du pays d’Aix ont discrètement ouvert leurs listes à des militants ou sympathisants du RN, dissimulés derrière des étiquettes d’« intérêt communal ». Une manière habile d’éviter le stigmate partisan tout en intégrant, de fait, une partie de l’électorat lepéniste.
À Mimet, Trets ou encore Peyrolles, certains colistiers revendiquaient en privé leur proximité avec le RN, pendant que les maires sortants s’en tenaient à une neutralité de façade. Ce jeu de masques, entre rejet public et rapprochement tacite, a permis au RN de s’infiltrer dans le tissu local sans en assumer la visibilité politique.
Ce phénomène éclaire la stratégie actuelle : moins conquérante, plus insinuante.
Le RN sait que le rapport de force se joue désormais à bas bruit dans les réseaux, les comités, les alliances d’occasion. Conquérir une mairie n’est plus une fin en soi : il s’agit de devenir incontournable, même sans logo.
Le RN a compris que pour durer, il faut moins agiter le drapeau que planter les graines.
Un territoire test pour la stratégie Bardella
Jordan Bardella veut faire de 2026 une répétition générale avant la présidentielle de 2027. Le pays d’Aix, bastion électoral sans ancrage politique, servira de laboratoire : entre stratégie d’alliance, désignation au compte-gouttes et prudence dans le casting, le RN expérimente un modèle d’expansion contrôlée.
Mais dans les communes où la politique reste affaire de visages plus que de slogans, le parti d’extrême droite pourrait découvrir que la conquête du pouvoir local est tout sauf un long fleuve tranquille
Mais dans les communes où la politique reste affaire de visages plus que de slogans, le parti d’extrême droite pourrait découvrir que la conquête du pouvoir local est tout sauf un long fleuve tranquille
Les chiffres clés du RN dans le pays d’Aix
- +35 % : score du RN aux européennes dans plusieurs communes rurales (Trets, Mimet, Jouques).
- 2 : seuls candidats officiellement investis à ce jour (Aix et Gardanne).
- 3 → 6 : nombre de listes RN espérées pour 2026 dans la 15e circonscription.
- 54,77 % : score de Romain Baubry au second tour des législatives à Lambesc.